Jean Pierre Ader Cosmogonies et Cosmologie 11 janvier 2017
Raconter et mourir
Les religions, les croyances les grands mythes et légendes ont répondu par des récits à:
quelles choses ont existé en premier? D’où vient et où va le monde? Par nature le récit
renonce à la vérité mais tient sa légitimité à faire sens, à raconter une histoire. Il s’offre ainsi
comme le moyen privilégié, le moins censuré de notre rapport au monde. Le plus
intime aussi; après tout les petits enfants s’endorment en écoutant de belles histoires,
tendrement contées.
Le récit s’est aussi le désir de se continuer. Parce que les hommes se savent mortels, ils
racontent pour nourrir la mémoire de ceux qui prendront le relais. Ils racontent et meurent
apaisés d’avoir vécu et transmis. Heureux d’être le maillon d’un chaîne, d’une évolution vers
un avenir supposé meilleur.
Les Cosmogonies sont les récits, les mythes ou les vérités révélées cherchant à
expliquer l’origine et l’évolution de l’Univers. C’est la partie des mythologies et des
religions qui raconte sa naissance et la formation des objets célestes.
Malgré leur diversité ces systèmes sont souvent proches dans leur inspiration. L’œuf
cosmique, le fleuve ou la mer, le chaos primordial se retrouvent sous différentes formes
dans ces récits produits par des civilisations parfois très éloignées les unes des autres.
Mais ils gardent une originalité spécifique: mythe de l’eau (Egypte), cosmos cyclique
(Inde), création par un être intemporel, Dieu, sans témoins humains, en un instant, ou six
jours selon la Bible, univers né du néant en une longue suite d’événements tragiques (Grèce,
Mésopotamie).
Réfléchir et observer
Mille philosophes réfléchissant pendant mille ans n’auraient jamais inventé quelque chose d’aussi
étrange que l’image de l’Univers que nous donne la science actuelle. C’est uniquement parce
que les données fournies par l’observation et l’expérience ont acculé les astrophysiciens et les
physiciens du monde subatomique dans une telle impasse que la seule clef pour répondre au défi de
la nature a été l’utilisation massive et exclusive des mathématiques.
Ils ont ainsi inventé des structures extrêmement contre intuitives, des concepts totalement
déconnectés de notre sens commun, une réalité à mille lieues de notre monde familier.
Ces structures et ces concepts, cette réalité constituent la cosmologie et sont maintenant
gravés dans le marbre.
La première approche scientifique date de 25 siècles avec le premier modèle du monde. Œuvre de
Thalès, il n’est guère convaincant et ne fait que reproduire les mythes et légendes de son époque.
Mais avec un gigantesque pas en avant: son cosmos est débarrassé des dieux et des héros, d’êtres
légendaires, de toute référence surnaturelle. Les philosophes, les savants puis les scientifiques
vont alors essayer de comprendre comment le cosmos fonctionne, se transformer en mécaniciens.
En faisant toujours appel de façon plus ou moins subliminaire à un Grand Horloger, une Raison
déifiée, un Orient Eternel ou carrément à Dieu comme Pascal ou Newton. Les mythes n’ont pas
disparu, toujours présents dans l’inconscient collectif. Ils ont longtemps continué à influencer notre
vision du monde malgré notre croyance à avoir rationalisé la Nature.
C’est seulement au XX° siècle que les physiciens se sont posé la question du pourquoi.
L’Univers a-t-il eu un début ou existe-t-il de toute éternité? En se débarrassant définitivement des
structures mentales archaïques, les mathématiques étant le seul outillage à leur disposition pour
expliquer la Nature. Ni la relativité générale, ni la mécanique quantique ne peuvent laisser la
moindre place à Homère, la Bible, les légendes Mayas, babyloniennes ou amérindiennes. Mais, notre
espèce étant ce qu’elle est, l’homme préférant toujours croire à quelque chose plutôt qu’a rien, ces
diamants de rationalité ont crée de nouveaux mythes, de nouvelles légendes rejoignant parfois les
questions ou les réponses des Anciens: le Big-bang, les trous noirs, les limites de l’Univers, l’anti
matière…Superbes découvertes de la raison et de la technique mais immédiatement mythifiées à
l’aide d’un langage anthropomorphique, de métaphores maladroites et racoleuses ou encore d’
extrapolations inappropriées: mystère, étrange, découvertes révolutionnaires, combats contre le
néant, vengeances de la nature, univers parallèles, particule de Dieu, notions d’infini, d’éternel,
d’immuable, catastrophes cosmiques menaçant les terriens. Dans la vie rien n’est à craindre tout est
à comprendre (Marie Curie).
La vieille logique de Descartes basée sur la rationalité, la démarche déductive, le triomphe des idées
claires et distinctes et les concepts traditionnels vole en éclats devant la physique du XX° siècle qui
nous ouvre les portes d’un monde non seulement incompréhensible mais tout simplement
inconcevable pour un être humain cultivé mais sans connaissance profonde des mathématiques et
sans une grande capacité d’abstraction. Alors devons nous croire à la toute puissance des
mathématiques et célébrer la formule platonicienne: Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre? Que
nenni! Depuis le théorème de Gödel, un mathématicien allemand du début du XX° siècle passionné
par la logique, la croyance en une science infaillible, définitive et éternelle est devenue impossible
aujourd’hui. En effet le théorème de Gödel porte sur le fondement même de l’approche scientifique
du monde. Il démontre qu’un système formalisé non trivial contient nécessairement des propositions
indécidables, en sorte qu’il est impossible de démontrer, à l’intérieur d’un tel système sa non-
contradiction.
La question du commencement: l’ordre et le chaos
Une fable pleine de bruit et de fureur racontée par un idiot.
L’Univers ou le Cosmos comme l’appelaient les Grecs, quelle qu’en soit la description, est
compris comme un tout, un tout ordonné régi par des lois, des principes, ce en quoi il
s’oppose au chaos.
Une des premières lois d’ordre qui s’impose est la causalité: tout évènement à une
cause. Au regard de ce principe, l’Univers en tant qu’objet physique, n’échappe pas à la
règle: il nécessite lui-même une cause, un élément déclencheur. La réalisation la plus simple
de ce principe de causalité est la création: l’Univers est le fruit d’une création divine. C’est
donc un acte. Tout acte est lié à une intentionnalité, la création de l’Univers exige une
intentionnalité que les religions vont appeler Dieu.
Constantes dans les schémas de l’imaginaire humain
Le chaos primordial: le monde résulte de conflits entre forces antagonistes, l’ordre et le
désordre, la lumière et les ténèbres, la lune et le soleil, le masculin et le féminin, le bien et le
mal. De guerres et de combats entre des géants, des entités primordiales ou des
progénitures monstrueuses. Un monde initial violent et dangereux. La présence d’êtres et
d’éléments hostiles se trouve dans presque toutes les civilisations. Une réalité pour nos
lointains ancêtres qui devaient survivre dans un environnement souvent très beau,
mais aussi effrayant et agressif.
Les phénomènes naturels (cyclones, orages, inondations), les dangers de la faune sauvage
(mammouths, ours, loups) et les multiples maladies et accidents qui les accablaient ont
poussé à l’émergence du spirituel. Ainsi l’être humain s’est protégé du désespoir et de la
bestialité, il s’est civilisé en inventant l’art, l’amour, la science, les religions, les légendes, la
cuisine, les mythes, les tabous et le commerce…
L’œuf cosmique: germe contenant l’univers en puissance. L’éclosion de l’œuf donne
naissance à l’Univers. Se retrouve en Chine, chez les Celtes, en Inde ou encore au Mali.
L’eau: intervient comme élément primordial dans nombre de cosmogonies et chez Thalès.
C’est aussi un élément rénovateur (Déluge) ou bienfaiteur (Basse-Egypte).
Acte sacrificiel: démembrement, sacrifice d’un géant, d’une entité, d’un individu. Souvent le
parricide est nécessaire pour que puisse commencer après le règne des monstres
l’organisation du monde.
Existence d’un dieu, d’un démiurge, d’une puissance créatrice. Existence d’une trinité divine.
L’ennui, la solitude d’un premier être qui suscite le monde pour combattre la vacuité de son
existence.
Le tabou de l’inceste: La première génération, fruit d’un inceste, donne naissance à des
entités monstrueuses (Grecs, Babylone) dont l’anéantissement permettra à l’homo sapiens
d’émerger du chaos.
Cosmogonie de l’Egypte antique:
Issu de Noun, l’océan primordial, émerge Rê qui est à la fois le soleil, l’être activé (Atoum) ou
encore, la renaissance. Chou, dieu masculin représentant la lumière du Soleil, Tefnout
déesse qui incarne la chaleur du même astre. De ce couple incestueux naît Nout , la
voûte céleste et Gleb la Terre. L’océan primordial est la transposition mythique d’une réalité
saisonnière, la crue du Nil qui chaque année jusqu’à la construction du barrage d’Assouan
noyait l’ensemble de la vallée.
En Haute-Egypte, Amon père des dieux fondateurs du monde, féconda l’œuf cosmique d’où
naquit la vie. Atoum, l’une des incarnations divines du Soleil, est représenté en lion,
scarabée, lézard, anguille ou homme.
Cosmogonie mésopotamienne:
Tiamat (féminin, l’eau salée), Apsῠ (masculin, l’eau douce). De leur union naissent tous les
dieux (Mardouk, Ishtar). Mardouk va tuer Tiamat et découper son cadavre. Ainsi la voûte
céleste, les étoiles, la Terre, les enfers…furent issus du cadavre de Tiamat.
Cosmogonie Gréco-romaine antique:
Pour les Grecs, l’univers préexiste aux dieux et aux hommes, et ce sont les poètes, Homère
et surtout Hésiode, qui chantent l’aube du monde. L’Univers précède la naissance des dieux
qui sont immortels, mais pas éternels. Le thème des origines du monde et celui de l’origine
de l’homme sont distingués.
Au départ le chaos, un tout au sein duquel les éléments constituant le monde actuel étaient
mélangés. Quatre entités se séparent peu à peu du vide primordial: Gaïa (la Terre), Eros (le
désir amoureux, force créatrice initiale), Erèbe (les ténèbres des enfers) et Nyx (la nuit). Gaïa
engendra Ouranos (le Ciel), le premier principe fondateur mâle (le Ciel féconde la Terre par
ses pluies, comparables à une semence) et de leurs étreintes naquirent les Titans dont
Chronos (le Temps), les 3 cyclopes et les géants à cent bras. Ces amours continuels et
prolifiques de Gaïa et d’Ouranos donnent naissance à de tels monstres que leur père veut les
enfouir dans la Terre (les faire retourner dans le ventre de leur mère). Chronos, se sentant
menacé émascule alors son père. Des parties sexuelles d’Ouranos jetées à la mer naquit
Aphrodite. Cette légende nous raconte comment le ciel se sépara brutalement de la terre!
Cosmogonie hindoue
temps cyclique-cycle de créations et de destructions. Lorsque Brahma se réveille et qu’il
ouvre les yeux, l’Univers et tout ce qu’il contient se crée, lorsqu’ il s’endort, tout se détruit.
Vishnou protège l’Univers, Shiva le détruit et donc mène à sa renaissance. L’Univers connaît
donc une suite de renaissances et de destructions.
Cosmogonie abrahamique, La Genèse.
Au début était le Verbe. Le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au
commencement auprès de Dieu. Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut.
C’est un texte très subtil; Dieu n’est plus un magicien qui fait surgir notre Univers du néant
comme d’autres font sortir des lapins de leur chapeau. La dernière phrase établit le lien
entre l’existence de l’Univers et l’intentionnalité de Dieu (Tout fut par lui). Mais la deuxième
partie de la phrase est plus ambigüe (et sans lui rien ne fut) car elle peut être comprise de
deux façons:
sans la volonté de Dieu de créer l’Univers celui-ci n’aurait jamais existé.
sans l’existence préalable de Dieu l’Univers n’aurait jamais été.
En fait par son caractère récursif, la causalité comme cause première se heurte
à l’épineuse question de la cause de la création elle-même!! La Genèse s’en sort en
identifiant Dieu au Verbe, c’est à dire à une idée, un concept.
Ainsi la Bible nous dirait que l’Univers ne serait finalement qu’une idée.
Vers la cosmologie moderne: Leucippe, Démocrite, Epicure,
Lucrèce
Poggio Bracciolini, un humaniste florentin, redécouvrit un grand nombre de textes antiques,
la plupart tombés dans l’oubli, en fouillant les bibliothèques des grands monastères
européens. Ainsi l’un des plus précieux livres antiques De Rerum Natura, chef d’œuvre du
romain Lucrèce, fut sauvé du néant en 1417. Disciple d’Epicure, pensant que la vie devrait
viser la poursuite du bonheur, Lucrèce était aussi un tenant de la théorie atomique des
philosophes grecs (Leucippe, Démocrite). Il l’exposa avec lucidité et précision dans son
poème qui constitue un témoignage unique sur les racines grecques de la théorie des
particules subatomiques du XX° siècle.
Une explication scientifique du monde un siècle avant J-C
Ce poème composé de sept mille vers n’est pas d’une lecture facile. Divisé en six livres
dépourvus de titre, il alterne passages d’une impressionnante beauté lyrique, méditations
philosophiques sur la religion, le plaisir et la mort, la nature de la matière du monde physique,
l’évolution des sociétés humaines, les dangers et les joies de la sexualité. De fait la première
philosophie matérialiste niant le rôle des dieux dans la vie des humains. Lucrèce n’est pas athée mais
pense que les dieux n’interviennent en aucune manière dans nos vies et nos destins.
Tout est constitué de particules invisibles. Tout est constitué de ces objets et tend à y retourner. Ils
sont constamment en mouvement, s’entrechoquent, se combinent en constituant de nouvelles
formes, se séparent, se recombinent et demeurent.
Ces particules élémentaires sont éternelles. Le temps n’est pas limité mais infini. Il n’a ni
commencement, ni fin. L’Univers est fait de ces particules élémentaires, des étoiles jusqu’à l’insecte
le plus insignifiant. Elles sont indestructibles et immortelles, même si chaque objet dans l’Univers est
transitoire. Jamais la création ou la destruction ne prend le pas. La somme totale de la matière reste
la même, et l’équilibre entre les vivants et les morts est respecté.
Les particules élémentaires sont en nombre infini, mais de forme et de taille limitées. Comme avec les
lettres de l’alphabet c’est un ensemble susceptible d’être combiné en d’innombrables phrases.
Comme avec le langage, les combinaisons se forment suivant un code. Comme toutes les
lettres et tous les mots ne peuvent pas se combiner de façon cohérente, les particules ne peuvent
pas se combiner de toutes les façons possibles. Certaines s’unissent plus facilement, quand d’autres
se repoussent et résistent. Un gigantesque progrès intellectuel d’imaginer l’existence d’un tel code,
même si Lucrèce ne prétendait pas le connaître. Le poète soutenait que ce code pourrait être
compris et analysé par la science.
Toutes les particules sont en mouvement dans un vide infini. L’espace comme le temps, n’a pas de
borne. Il n’existe pas de points fixes, pas de début, de milieu ni de fin, et pas de limites. La matière
n’est pas une masse solide. Elle est faite de vide, ce qui permet aux particules de se mouvoir, de se
heurter, de se combiner et de se séparer.
L’Univers n’a pas de créateur ni de concepteur. Les particules n’ont pas été crées. L’organisation de
cet univers n’est pas le produit d’un plan divin. Ce qui existe n’est pas la manifestation d’un plan
général ou d’un dessein intelligent inhérent à la matière ni la conséquence d’un grand horloger tout
puissant. L’existence n’a ni fin ni but; elle provient d’un processus de création et de destruction,
processus exclusivement gouverné par le hasard.
Les choses se créent grâce à la déviation. Si toutes les particules individuelles, en nombre infini,
tombaient dans le vide en ligne droite, attirées vers la bas par leur poids, telles des gouttes de pluie,
rien n’existerait. Les particules ne se déplacent pas dans une direction unique préétablie.
En des lieux indécis, les atomes dévient un peu;
juste de quoi dire que le mouvement est modifié.
La position des particules élémentaires est donc indéterminée (principe d’Heisenberg!). Cette
déviation-que Lucrèce appelle tour à tour declinatio, inclinatio ou clinamen-n’est qu’un mouvement
infime, nec plus quam minimum (II, v.244), un mouvement inattendu et imprévisible (Le chapeau de
gendarme de monsieur Higgs!). Il suffit cependant à déclencher un enchainement sans fin de
collisions qui, à leur tour, vont constituer la matière de l’Univers.
Postérité
L’idée selon laquelle l’Univers est composé de particules matérielles élémentaires (les atomes)a
survécu à la disparition des textes antiques.
A Londres, vers 1590, Mercurio taquine Roméo en proposant une description fantastique de la reine
Mab:
Parmi les fées, c’est l’accoucheuse, et elle vient,
Pas plus grosse qu’une pierre d’agate
A l’index d’un échevin,
Traînée par un attelage de petits atomes,
Se poser sur le nez des hommes quand ils dorment.
Shakespeare supposait ainsi que son public, bien que populaire, comprendrait immédiatement que
Mercurio évoquait un objet infiniment petit.
La nature artificielle et volatile de la vie intellectuelle est évoquée ainsi par Montaigne:
D’un subjet nous en faisons mille, et retombons, en multipliant et en subdivisant, à l’infinité des
atomes d’d’Epicure.
Essais III, 13,PUF, p. 1067.
Rien ne provient des atomes
Tous les corps du monde resplendissent de la beauté de leurs formes.
Sans elle le globe ne serait qu’un immense chaos.
Au début Dieu fit toutes les choses, pour que celles-ci engendrent quelque chose.
Considère comme rien ce dont rien ne peut venir.
Toi, ô Démocrite, tu ne formes rien de différent à partir des atomes.
Rien n’est produit par les atomes: donc les atomes ne sont rien.
Telles sont les paroles d’une prière en latin que les jeunes jésuites de l’Université de Pise, au début
du XVI° siècle, avaient l’obligation de réciter tous les jours pour se protéger de ce que leurs
supérieurs considéraient comme une idée particulièrement nocive. Le 1° août 1632, la Compagnie
de Jésus interdit définitivement la superbe théorie atomiste des Anciens.
La cosmologie du XX° siècle: de l’atome à l’étoile
Deux bases de notre compréhension de l’Univers, qui défient notre bon sens et notre expérience de
tous les jours.
La physique des particules élémentaires: explique la nature du rayonnement électromagnétique,
l’évolution des étoiles, décrit les premiers instants après le Big-bang. Base théorique: la mécanique
quantique construite pendant les trente premières années du XX° siècle. Un changement de
paradigme brutal et violent: la réalité n’existe pas. Il n’y a plus d’être ou de non-être. Nous pouvons
seulement évaluer la probabilité d’un événement. L’atome n’est même plus un système planétaire
formé d’un noyau et d’électrons en orbite. Les électrons ne voyagent plus autour de l’atome mais
dans des « zones orbitales », là où leur probabilité de présence est la plus forte.
La relativité générale explique les mouvements des corps célestes, décrit l’Univers au début du
Big-bang, formule l’espace-temps. A partir du postulat de la constante de la vitesse de la lumière,
Einstein construit sa théorie de la relativité, restreinte (1905) puis générale (1915).
Enorme scandale: l’espace et le temps sont tous les deux flexibles et forment une entité unifiée:
l’espace-temps. Un espace courbe et limité, une méduse cosmique dans laquelle nous sommes
immergés, qui peut être écrasée, étirée et tordue. Les planètes tournent autour du Soleil et les
choses tombent parce que l’espace est incurvé autour d’eux.
Encore plus fou: la contraction des longueurs. Plus un objet va vite plus sa taille diminue. Dilatation
des temps. Uncosmonaute dans un vaisseau spatial voyageant plus vite que la Terre vieillit moins
vite que nous.
Le Big-bang en quelques lignes
A l’origine, il y a quatorze milliards d’années, toute l’énergie, toute la lumière, toute la matière qui
existent autour de nous aujourd’hui : vous, moi, le Soleil, les lointaines galaxies, étaient rassemblées,
concentrées dans un petit volume d’énergie pure. C’est littéralement inimaginable comme les
conditions de densité et de chaleur de ce volume.
Une question non résolue: la disparition des antiparticules. Inventée par Paul Dirac en 1929,
découverte par Anderson en 1932 dans les rayons cosmiques, l’antimatière est faite de particules de
charges électriques opposées à celles qui composent la matière. Particules et antiparticules
s’annihilent quand elles se rencontrent, dans une explosion d’énergie. Elles ne peuvent donc pas
cohabiter. Notre Univers ne contient qu’une quantité infime d’antimatière. A l’instant du Big-bang,
dans la soupe originelle, antimatière et matière étaient en égale quantité. Alors, où est passée
l’antimatière ?
Cosmogonies et cosmologie: des univers à jamais étrangers l’un à l’autre?
Un point commun: un chaos originel, un désordre initial dont la violence a son équivalent
avec les incroyables conditions initiales du Big-bang.
Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre, la terre était déserte et vide, la
ténèbre à la surface de l’abîme, un vent violent planant à la surface des eaux et Dieu dit: Que
la lumière soit. Et la lumière fut (Genèse,1,1-3). Une lumière originelle provoquée par
l’annihilation des particules avec les anti particules?
Ainsi, entendues comme des images, des métaphores les réponses venues du fond des âges
suggèrent quelques rares rapprochements avec certains concepts de la cosmologie du XX°
siècle. En fait mythes, religions, légendes parlent de toute autre chose, parlent d’un monde
que la logique scientifique ignore totalement.
Cosmologie et métaphysique
Nous pouvons cependant répondre à deux questions fondamentales.
Qu’est ce que l’instant t=0 du Big-bang; l’Univers a-t-il un début?
Est-il possible d’envisager, comme certains physiciens théoriciens, à la fin du XX° siècle, une théorie
de tout unissant dans un ensemble harmonieux et clair, d’une rationalité pure, nos connaissances en
physique?
L’Univers à l’instant T=0
Il n’a point existé de temps ni de durée avant la création Spinoza
Que faisait Dieu avant qu’Il ne crée l’univers? Avant qu’Il ne crée le Ciel et la Terre, Dieu créa l’enfer
pour les gens comme vous qui posent ce genre de question. Saint Augustin
Votre question n’a pas de sens: le temps n’existait pas
Si la science moderne révèle une réalité à mille lieues de notre monde classique et familier, elle ne
nous permet pas de savoir à quoi ressemblait l’Univers au moment du Big-bang, il y a 15 milliards
d’années. Ce que les scientifiques appellent pompeusement le temps cosmique universel est bien
une variable temporelle correcte pour mesurer l’âge de l’Univers mais les théories actuelles
interdisent toute interprétation cohérente permettant de définir son origine. Le temps
prend toutes les valeurs possibles après un instant initial qui n’en est pas un! Autrement dit: la
théorie permet de se rapprocher de ce temps zéro d’aussi prés que l’on veut, mais sans jamais
l’atteindre, car il n’appartient pas à la gamme des temps physiques. Les équations de la théorie ne
sont plus valables à l’origine du temps. En fait, la science ne peut dire aujourd’hui que deux choses:
Il n’est pas prouvé que l’Univers a eu une Origine, une transition qui ferait passer de l’absence de
toute chose à au moins une chose. Il n’est pas prouvé que l’Univers n’a pas d’Origine.
C’est donc, comme la question de Dieu si on se réfère à des philosophes comme Kant ou comme la
logique des mathématiciens comme Gödel, du domaine de l’indécidable .
Le Théorème de Gödel et la théorie de tout
Les limites de la logique: Dans toute théorie mathématique intéressante en ce qui nous concerne,
certains résultats sont impossibles à démontrer mathématiquement . En outre on ne peut prouver la
cohérence d’un système mathématique depuis l’intérieur de ce système.
Kurt Gödel (1906-1978) est l’auteur d’un théorème qui est généralement considéré comme la
découverte logique la plus importante du XX° siècle. Ce théorème dit que tout système
mathématique incluant l’arithmétique contient des propositions indécidables, dont la véracité ne
peut être démontrée avec les axiomes contenus dans ce système. On ne peut décider de leur
véracité qu’en ajoutant des axiomes extérieurs au système. En d’autres termes la vérité totale, la
vérité absolue ne peut être enfermée dans un système fini. Tout système fini est incomplet. Ce
théorème d’incomplétude implique que la raison a des limites et qu’elle ne peut accéder à la vérité
absolue. Un coup de tonnerre dans le ciel serein de la logique mathématique. Pour décider de la
véracité d’une proposition mathématique, il ne suffit pas de la réduire à une série de symboles
dépourvus de sens, ni de manipuler ces symboles. Il faut aussi tenir compte du sens de la proposition
entière dans le contexte plus large des idées mathématiques.
Des paradoxes qui sapent la logique
Tout n’était pas clair dans le ciel de la logique avant Gödel. Des failles apparaissaient dés qu’on
abordait le sujet des propositions auto référentielles.
Exemple d’une telle proposition: La présente phrase est fausse
Si la phrase est vraie, elle est fausse
Si la phrase est fausse, elle est vraie
La logique est bafouée et ridiculisée
Saint Paul (v. 5-15-v. 62-64) citait déjà l’exemple d’un philosophe crétois qui aurait déclaré : Tous les
crétois sont des menteurs. Si le philosophe dit la vérité, alors il ment, étant lui-même crétois, alors
que s’il ment, il dit la vérité…
Gödel montre que ces contradictions logiques, loin d’être anecdotiques ou insignifiantes sont
aussi présentes dans les propositions mathématiques. Concevoir la Nature comme un tout auto
suffisant et rendant compte de la réalité dans sa totalité n’est pas une évidence, quelque chose qui
va de soi. Que se cache-t-il donc dans la nature profonde des choses?